Être incapable de situer la voix de son coéquipier qui réclame le ballon. Redoubler d’efforts pour bien retenir les consignes de l’entraineur énoncées dans un vestiaire bruyant. Peiner à suivre une conversation de groupe. Voilà quelques exemples des difficultés que vivent certains athlètes ayant subi une commotion cérébrale.
En effet, selon une récente recherche publiée dans Ear & Hearing, les traumatismes crâniens liés au sport peuvent affecter l’audition centrale. «L’ouïe demeure intacte, mais la capacité du cerveau à traiter l’information auditive est atteinte», explique Christine Turgeon, coauteure de l’étude et doctorante en sciences biomédicales spécialisée en audiologie.
«C’est un pas de géant dans l’étude des traumatismes crâniens, croit Dave Ellemberg, professeur au Département de kinésiologie de l’Université de Montréal, qui a supervisé ces travaux. Jusqu’à maintenant, on pensait que les commotions cérébrales altéraient surtout les fonctions cognitives du cerveau, comme l’attention et la mémoire. On a longtemps ignoré que cela pouvait avoir des répercussions sur les fonctions perceptives.»
Audiologiste de formation, Mme Turgeon a rencontré à l’occasion des patients victimes d’une commotion cérébrale qui se plaignaient d’entendre moins bien leurs interlocuteurs dans un contexte bruyant ou d’avoir du mal à localiser la provenance d’un son. «Après plusieurs tests, j’ai constaté que, si leur oreille interne fonctionnait bien, le traitement auditif, lui, était déficient», raconte-t-elle. C’est ce qui lui a mis la puce à l’oreille.
Elle a donc réuni 16 jeunes hommes âgés de 21 à 29 ans, membres d’équipes collégiales et universitaires de football et de soccer. La moitié d’entre eux n’avaient jamais subi de commotion cérébrale. Les autres avaient tous souffert de un à cinq traumatismes crâniens légers pendant des activités sportives au cours des 10 dernières années.
Les participants ont passé des tests où ils devaient signaler les hautes et les basses fréquences ainsi que les sons longs et courts. On leur a également demandé de reconnaitre deux mots différents, le premier étant projeté dans l’oreille droite et le second dans celle de gauche. Enfin, ils ont eu à faire abstraction du bruit ambiant afin de repérer et de répéter des phrases qui leur étaient transmises.
«Tous les sujets avaient une bonne audition périphérique, c’est-à-dire qu’ils entendaient bien les sons, constate Christine Turgeon. Mais chez la majorité des athlètes ayant eu une commotion, le cerveau présentait certaines difficultés à déchiffrer les sons, et ce, même si le traumatisme était survenu des années auparavant.»
Cinq participants victimes d’une commotion ont raté de un à quatre tests. Aucun d’entre eux n’éprouvait donc les mêmes ennuis. «Cette diversité de symptômes démontre que le choc des commotions cérébrales sur l’audition centrale est diffus, remarque la doctorante. Il faudrait refaire le même exercice avec plus de sujets et observer l’influence du nombre et de la gravité des traumatismes sur leur audition centrale.» Selon Dave Ellemberg, cette étude ouvre la voie à des recherches qui pourraient explorer les conséquences des commotions cérébrales sur les autres sens, notamment la perception visuelle.
Promouvoir une pratique sportive sécuritaire
Les deux chercheurs espèrent que ces travaux sensibiliseront les médecins traitants des équipes sportives, les audiologistes, les entraineurs, les parents de sportifs et les athlètes eux-mêmes aux effets insoupçonnés des commotions cérébrales.
«Les participants de notre étude ne rapportaient pas les symptômes classiques des traumatismes crâniens comme les maux de tête ou les problèmes d’endormissement, souligne M. Ellemberg, docteur en neuropsychologie. C’est en grattant un peu, à l’aide de tests objectifs, que nous avons pu découvrir leur déficit d’audition centrale.»
Christine Turgeon estime d’ailleurs que ces tests d’audiologie devraient être intégrés dans l’évaluation standard des commotions cérébrales. «Si les athlètes ont le moindre doute quant à leur audition, ils auraient intérêt à consulter, ajoute-t-elle. Il y a des signes qui ne trompent pas: vous demandez fréquemment qu’on vous répète les consignes, vous vous concentrez plus qu’à l’habitude pour écouter votre interlocuteur, vous vous sentez fatigué à la fin de la journée en raison de vos efforts pour compenser ce déficit…»
Sensibilisons, mais ne dramatisons pas, précise toutefois Dave Ellemberg. «Les commotions cérébrales font partie du jeu, reconnait-il. Le sport est important pour la santé physique, mentale et émotive des athlètes. C’est aussi un liant social. Mais nous devons promouvoir une pratique sportive sécuritaire. Et cela passe forcément par une meilleure prise en charge de nos athlètes.»
Pour lire l’article au complet, voir ci-dessous: